Liturgie des temps de fêtes
banalité, de perdre de leur qu alité et de leur densité, à devenir superficielles. Presqu e fa talement, un e paress e de l' es pri t, un e négli gence du cœur et de l' int elli gen ce, une in atten ti on laiss ent tomber da ns la ro ut in e et l'in si gnifiance des pans enti er s de not re existence et toute une partie des mots et des phrases de notre discours ». La liturgie doit donc se montrer exigeante, récuser la banalité et la platitude, rejeter la mauvaise facilité des mots, des sons, des ryt hmes : « elle n'a pas à supporter, comme le préc ise en core Pierre- Yves Emery, qu'en elle on dise n'i mp ort e quoi n'i mp ort e comment, ni qu'on célèbre la gloire de Dieu sur une musique de bal-musette ou dans des chansonnettes trop faciles pour ne pas être douteuses ». La tentation d'une telle « actualisation » de la liturgi e est grande parce que nous vivons dans une culture de l'immédiat et du spontané: tournant le dos à toute tradition on prétend vi vr e un iq uement de l'ima ginati on. L'ima ginati on se déploie ainsi au détriment de la mémoire. Dans un premier temps, elle peut bien « faire des fleurs » et se lancer dans un lyrisme qui épate, mais ses feux d'artifices s'épuisent vite et s'affadissent, cependant qu'une société, déracinée de son passé et devenue amnésique, se révèle finalement stérile. Elle perd l'accès à la culture dont elle est issue. Et l'on sait quel rôle la tradition chrétienne a joué dans le deveni r de notre culture occident ale. La langue litu rgiq ue est un de nos ancrages importants à cet égard. Le langage liturgique a donc une portée théologique. Cette portée, on peut la mettre en évidence aussi par la dimension eschatologique du mystère chrétien : à partir du monde qui vient et que la liturgie confesse et célèbre, on devient capable d'éclairer le monde qui passeet d'y dresser des signes d'espérance. La liturgie elle- même devient l'un de ces signes, lorsque le Saint -Esprit s'en sert. Commen t en serait- il autremen t puisque dans la célébration du culte l'Eglise proclame le Dieu qui était, qui est et qui vient. 3. Les limites nécessaires de la liturgie Nous vivons — on vient de le rappeler — dans une culture de l'immédiat et du spontané. Notre époque prétend trouver sa raison d'être dans l'instant, elle ne valorise que le présent et ne croi t qu'à l'o ri gi nal et à l'ima gi nation . On sa it en ou tre à quell e disp ers ion de l'attention l'h omme d'a ujourd 'h ui est exposé du fait de l'i nformation inst antanée et plét horique, souven t approximative et incontrôlable, qui soumet les es prits à des agr es si ons ininterrompues. Cette at tenti on dispersé e tous azimuts et un e sensibilité exacerbée par des sensations fortes, aussi nombreuses que contradictoires, provoquent souvent un désarroi qui donne à beaucoup de nos contemporains le sentiment de perdre leur identité. Il n'est donc pas étonnant d'entendre dire que, pour rejoindre les hommes de ce temps, la liturgie doi t se laisser en tra îner dans un renou vellement continue l de dimanche en dimanche; les textes proposés dans les liturgies ne sont alors plus que des paradigmes pour des prières reformulées sans cesse à nouveau selon les circonstances du moment. Mais en pratiq ua nt ainsi , il es t éviden t qu e l' on contribue à dés or ien ter en cor e da va ntage un homme déjà suffisamment dispersé, et l'on aboutit certainement aussi à diluer l'Evangile dans une actualité constamment en mouvement. Le culte court le risque d'être intellectualisé et politisé. Parce qu'elle est d'abord contemp lation et célébration de Dieu et de son salut, la liturgie, loin de plonger l'homme dans l'agitation du siècle et dans la hantise de tout ce qui, tour à tour, l'agresse et lui échappe, doit l'aider plutôt à trouver le calme nécessaire à l'acquisition d'un vrai esprit de prière. Elle doit « recueillir », rassembler tout ce qui, de notre personne, se disperse et recentrer l'attention sur l'essentiel. La liturgie doit s'autolimiter afin d'être 10
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